top of page

On peut remarquer que cette année on a tué plusieurs femmes au-delà du Rhône et aux environs :

À Malleval en Forez près de St Pierre de Bœufs, une fille bergère de 12 ou 13 ans fut trouvée égorgée un dimanche pendant vêpres en pleine campagne, on a accusé de ce meurtre un jeune homme qui avoit souvent des querelles avec elle, en lui reprenant de ce qu’elle gardoit mal les bestiaux.

À St Sauveur une femme fut tuée d’un coup de fusil dans une émeute le 1er de may contre un marchand de Serrières qui alloit pour acheter du grain que l’on embarquoit.

À St Marcel, près d’Annonay un jeune homme tua à coup de couteaux sa mère et son valet qui vouloient se marier ensemble.

À Tournon une servante chez M. Dijon fut trouvée égorgée dans la maison de son maître ; on soupçonna le maître qu’elle avoit servi cy-devant et qu’elle avoit quitté parce qu’il luy faisoit de mauvaises propositions, mais elle avoit eu l’imprudence de le dire à la Dame, ce qui avoit mis du trouble entre cette femme et son mary qui avoit juré la perte de la servante, elle étoit extrêmement belle et vertueuse.

À Arlebosc près de St Félicien dans le Vivarais, une femme pour avoir pris une pièce de lard pour se payer d’un écu qu’elle prétendoit luy être du, fut prise sur le fait, dépouillée toute nue par une troupe de gens du lieu, parmi lesquels il y avoit quelques militaires, qui luy firent mille outrages, l’attachèrent au carcan, luy coupèrent le visage, le sein, la plongèrent dans l’eau et la retirèrent, la scène dura depuis la messe (car c’étoit un dimanche) jusqu’au soir, plusieurs fois on luy donna des liqueurs pour la fortifier contre leurs mauvais traitements, enfin le soir on luy fendit le ventre, dont on m’a dit qu’il étoit sorti un enfant déjà fort avancé, on l’enterra dans du sable, on ajouta qu’elle n’étoit pas aimée.

Montrigaud - Morel, curé de la paroisse- Archives départementales - BMS 1740-1771 - 5MI 57 R1 à R4. Cité par Michel Giroud, L’Almanach du curé de Montrigaud 1740-1772, Valence, Études généalogiques Drôme Association, 2001.

Note : À la lecture de ces actes, dont l’un est insoutenable, on voit que la violence faite aux femmes est monnaie courante dans les campagnes et que les motivations meurtrières sont multiples (conflit du travail ou conflit d’intérêt, affaires de mœurs ou question d’honneur...). Au regard de ces actes, c’est toute la question des relations quotidiennes entre les hommes et les femmes, au sein de la société, qui est posée. C’est aussi celle de la place et de la perception des femmes dans une société où domine l’autorité masculine, celle du père, du mari, du maître ou du groupe d’hommes.

bottom of page